Obstétrique/4

Publié le par SanteFemme

Femme enceinte et suivi de grossesse 3

Grossesse, travail et accouchement normaux 4

dont épisiotomie 1

Pathologies associées à la grossesse 2

Grossesse à haut risque

dont âge maternel 5

Pathologies spécifiques de la grossesse

Anomalies et complications du travail et de l'accouchement

Soins du post-partum

 

GROSSESSE, TRAVAIL ET ACCOUCHEMENT NORMAUX

Le premier signe de grossesse – et le motif initial de consultation d’une femme enceinte – est l’absence des règles à la date prévue. Chez une femme sexuellement active en âge de procréer et ayant des cycles réguliers, un retard de plus d’une semaine est très évocateur d’une grossesse.

Une grossesse dure normalement 266 j à partir de la date de conception ou 280 j à partir du premier jour des dernières règles pour un cycle régulier de 28 j. La date d’accouchement est estimée par rapport à la dernière période menstruelle. Un accouchement à plus ou moins 2 semaines de la date prévue est normal.

Symptomatologie

Au cours de la grossesse, il peut se produire une congestion mammaire par élévation du taux d’oestrogènes (principalement), et par une augmentation du taux de progestérone, ainsi qu’une prolongation de la tension mammaire prémenstruelle. A partir du 10è jour de fécondation, des nausées parfois accompagnées de vomissements, peuvent se produire par augmentation de la sous-unité beta de l’hormone gonadotrophine chorionique humaine (beta-HCG) et des oestrogènes sécrétés par les cellules syncytiales du placenta. Stimulé par la beta-HCG, le corps jaune de l’ovaire continue de sécréter une grande quantité d’oestrogènes et de progestérone afin d’entretenir la grossesse. Au cours de cette période beaucoup de femmes se sentent alors fatiguées, et certaines ressentent très précocement un gonflement (météorisme abdominal).

L’examen gynécologique révèle un col plus mou, et un utérus irrégulièrement ramolli et hypertrophié. Le col prend généralement une coloration violacée, probablement par hypervascularisation de l’utérus. Vers la 12è SA le développement de l’utérus s’étend au-delà du pelvis vers l’abdomen ; à la 20è SA il atteint l’ombilic ; et à la 36è semaine le fond utérin atteint presque l’apophyse xyphoide.

Diagnostic

On utilise en règle générale les tests urinaires et parfois les tests sanguins pour confirmer ou infirmer une grossesse, le plus souvent après plusieurs jours de retard de règles ou très tôt, quelques jours après la conception ; les deux tests sont sensibles. A l’état normal, le taux de beta-HCG, corrélé à l’âge de la grossesse, peut également être utilisé pour vérifier si le fœtus se développe normalement. La meilleure méthode consiste à comparer 2 valeurs de beta-HCG, sérique mesurées à 48-72 h d’intervalle dans le même laboratoire. Lors d’une grossesse monofoetale normale, le taux de beta-HCG double environ tous les 1,4-2,1 j pendant les 60 premiers jours, puis commence à diminuer entre la 10è et la 18è semaine. Un doublement régulier du taux de beta-HCG pendant le premier trimestre est très significatif d’une croissance normale.

D’autres signes en faveur d’une grossesse sont la présence d’un sac embryonnaire intra-utérin à l’échographie vers la quatrième ou cinquième semaine, qui correspondrait généralement à un taux de beta-HCG sérique d’environ 1500 UI/ml (un sac vitellin peut généralement s’observer dans l’utérus vers la cinquième semaine) ; les battements cardiaques du fœtus sont visibles à l’échographie dès la 5è ou 6è semaine ; ces bruits du cœur fœtaux sont audibles à l’échographie transabdominale entre la 8è et la 10è semaine ; les mouvements fœtaux sont perçus après la 20è semaine. La femme enceinte les ressent entre la 16è et la 20è semaine.

PHYSIOLOGIE DE LA GROSSESSE

Une grossesse entraîne des modifications physiologiques de tout l’organisme maternel. La plupart disparaissent après l’accouchement. En règle générale, les modifications sont plus accentuées lors d’une grossesse multiple que lors d’une grossesse monofoetale.

Sur le plan cardiovasculaire : le débit cardiaque (DC) s’élève de 30-50% dès la 6è semaine de grossesse avec un pic entre la 16è et la 28è semaine (le plus souvent vers la 24è semaine). Il reste élevé jusqu’à la 30è semaine puis baisse légèrement car le volume utérin comprime partiellement la veine cave. Pendant le travail, le DC augmente à nouveau de 30%. Après l’accouchement, l’utérus se rétracte et le DC baisse nettement jusqu’à près de 15-25 % au-dessus de la normale, puis diminue progressivement au cours des 3è et 4è semaines et ne retrouve sa valeur initiale que vers la 6è semaine du post-partum. L’élévation du DC dépend principalement des exigences circulatoires utéroplacentaire. Le volume de la circulation utéroplacentaire augmente considérablement, et la circulation dans l’espace intevillositaire agit en partie comme un shunt artérioveineux. Au fur et à mesure du développement foetoplacentaire, le débit sanguin utérin doit augmenter de près de 1l/min (20% du DC normal) à terme. Les besoins cutanés (dans la régularisation de la température) et rénaux (pour excréter les déchets fœtaux) sont en partie responsables de cette augmentation.

Pour ce faire, la fréquence cardiaque s’accroît de 70 en moyenne à 90 bpm, et le volume systolique augmente également. Pendant le deuxième trimestre, la PA baisse généralement (à l’inverse de la pression différentielle, qui augmente), bien que le DC et le taux de rénine et d’angiotensine augmentent, car la circulation utéroplacentaire se développe (par accroissement de l’espace placentaire intervilleux), tandis que les résistances vasculaires systémiques diminuent. Cette diminution résulte de la réduction de la viscosité sanguine et de la sensibilité à l’angiotensine, probablement par l’effet vasodilatateur des prostaglandines. Pendant le troisième trimestre, la PA peut se normaliser. On observe un DC plus élevé et une PA diastolique plus basse à la 20è semaine au cours d’une grossesse gémellaire qu’au cours d’une grossesse unique.

L’exercice physique augmente beaucoup plus le DC, la fréquence cardiaque, la consommation d’O2 et le volume respiratoire/min pendant la grossesse qu’en d’autres circonstances. Cette circulation hyperdynamique au cours de la grossesse favorise l’apparition de souffles fonctionnels et intensifie les bruits cardiaques. La radio ou l’ECG peuvent mettre en évidence un cœur horizontal ou en rotation vers la gauche avec élargissement du diamètre transversal. Des extrasystoles auriculo-ventriculaires sont fréquentes pendant la grossesse. Toutes ces modifications sont physiologiques et ne doivent pas être considérées, par erreur, comme un problème cardiaque ; il importe tout simplement de rassurer la patiente. Cependant des tachycardies auriculaires paroxystiques se produisent fréquemment chez la femme enceinte et peuvent imposer un traitement digitalique à titre préventif.

Sur le plan hématologique : l’augmentation du volume sanguin total est proportionnelle au DC, mais celle du volume plasmatique est supérieure (près de 50%) à celle des globules rouges (près de 25%) ; ainsi le taux d’Hb baisse par dilution de 13,3 à 12,1 g. En cas de grossesse gémellaire, le volume sanguin maternel total s’accroît davantage (près de 60% soit une adjonction de plus de 500 ml).

Le nombre de GB augmente légèrement de 9000-12000/µl. On observe une très importante leucocytose (plus de 20000/µl) pendant le travail et les premiers jours du post-partum.

Les besoins en fer augmentent jusqu’à un total de près de 1 g durant la grossesse et particulièrement pendant la deuxième moitié de la grossesse, 6-7 mg/j. Le fœtus et le placenta consomment près de 300 mg de fer, et l’augmentation de la masse érythrocytaire maternelle requiert 500 mg supplémentaires. La quantité de fer excrétée est de 200 mg. Une supplémentation en fer est nécessaire afin de prévenir une anémie, car l’apport alimentaire en fer additionné à la quantité puisée à partir des réserves (en moyenne 300-500 mg) ne suffit généralement pas à satisfaire les besoins de la grossesse.

Sur le plan urinaire : les variations de la fonction rénale sont parallèles à celles de la fonction cardiaque. La filtration glomérulaire est accrue de 30-50% avec un pic entre la 16è et la 24è semaine de grossesse, puis reste pratiquement stationnaire jusqu’au terme. Elle baisse ensuite discrètement, car la pression utérine exercée sur la veine cave entraîne des stases veineuses au niveau des extrémités inférieures. Le flux sanguin rénal augmente proportionnellement. Il en résulte que le taux d’urée diminue, généralement moins de 10 mg/dl (moins de 3,6 mmol/l). Il en est de même du taux de créatinine, qui diminue à 0,7 mg/dl 62 µmol/l). Il y a une dilatation importante des uretères (hydro-uretère), sous influence hormonale (surtout la progestérone) et par reflux, dû à la pression exercée par l’utérus gravide sur les uretères, ce qui peut également entraîner une hydronéphrose. En post-partum les voies urinaires peuvent mettre jusqu’à 12 semaines pour reprendre leur fonction normale.

Les changements de position affectent plus la fonction rénale pendant la grossesse qu’en d’autres moments. En effet la position couchée stimule la fonction rénale, tandis que l’orthostatisme la réduit. Elle est également très sollicitée lors du décubitus latéral ; cette dernière position soulage la pression exercée par l’utérus gravide sur les gros vaisseaux. Cette influence de la position sur la fonction rénale est l’une des raisons pour lesquelles la femme enceinte a besoin d’uriner plus fréquemment durant son sommeil.

Sur le plan respiratoire : la fonction pulmonaire se modifie en partie par augmentation du taux de progestérone et également car l’utérus hypertrophié affecte l’expansion pulmonaire. La progestérone envoie des signaux au SNC, induisant une réduction du taux de CO2. Pour réduire le taux de CO2, le volume courant, la ventilation minute et la fréquence respiratoire augmentent et entraînent l’élévation du pH plasmatique. La consommation d’O2 augmente de près de 20% afin d’assurer les besoins métaboliques particuliers du fœtus, du placenta et de plusieurs organes maternels. Les réserves inspiratoires et expiratoires, le volume et la capacité résiduels et la PCO2 plasmatique diminuent. La capacité vitale et la PO2 plasmatique ne varient pas. La circonférence thoracique augmente de près de 10 cm. Il se produit une importante hyperhémie avec œdème des voies respiratoires par accroissement du DC. Parfois, on observe une obstruction nasopharyngée symptomatique, une rhinite ou un blocage transitoire des trompes d’Eustache, modifiant ainsi le timbre et la qualité de la voix. Une discrète dyspnée d’effort est habituelle, et les respirations profondes sont plus fréquentes.

Sur le plan gastro-intestinal et hépatobiliaire : au cours de la grossesse, la pression de l’utérus hypertrophié sur le rectum et le côlon distal peut entraîner une constipation. La motilité gastro-intestinale décroît, car le taux élevé de progestérone entraîne un relâchement des muscles lisses. Il est courant d’observer des aigreurs d’estomac et des éructations expliquées probablement par un retard de vidange gastrique et un reflux gastro-oesophagien par relâchement du sphincter oesophagien inférieur et de l’orifice du diaphragme. La sécrétion d’HCl est réduite ; ainsi les ulcères gastro-duodénaux sont rares pendant la grossesse, et les ulcères préexistants sont souvent même améliorés.

En revanche les affections de la vésicule biliaire augmentent quelque peu. La grossesse affecte préférentiellement la fonction hépatique, en particulier la vésicule. Les tests fonctionnels hépatiques de routine sont normaux, mais le taux de phosphatase alcaline augmente progressivement au cours du troisième trimestre, pouvant atteindre 2 ou 3 fois la normale au terme ; cette augmentation est liée à la sécrétion de cette enzyme au sein du placenta plutôt qu’à un dysfonctionnement hépatique.

Sur le plan endocrinien : la grossesse modifie la fonction de la plupart des glandes endocrines, car d’une part le placenta sécrète des hormones, d’autre part la majorité de ces hormones circulent sous forme liée à des protéines. Cette fixation protéique augmente pendant la grossesse.

Le placenta secrète également une hormone (identique à la TSH) qui stimule la fonction thyroidienne, entraînant ainsi une hyperplasie, une vascularisation accrue et une hypertrophie modérée. Les oestrogènes stimulent les hépatocytes, entraînant une augmentation du taux de thyroglobuline et, malgré une augmentation du taux de thyroxine totale, le taux des hormones thyroidiennes libres reste normal. L’augmentation de la fonction thyroidienne peut simuler une hyperthyroidie avec tachycardie, palpitations, transpiration excessive et une instabilité émotionnelle. Cependant une authentique hyperthyroidie peut être observée dans 0,08% des cas de grossesse.

Le placenta secrète de la corticotrophine (CRH) qui stimule la production d’ACTH maternelle. L’ACTH augmente le taux d’hormones surrénaliennes, en particulier l’aldostérone et le cortisol, et contribue ainsi à la formation d’œdème. En surproduction, corticoides et progestérone d’origine placentaire induisent une résistance à l’insuline et augmentent les besoins en insuline, tout comme le stress de la grossesse et peut-être également l’élévation du taux d’hormone lactogène placentaire. L’insulinase, fabriquée par le placenta, peut également augmenter les besoins en insuline, de sorte que de nombreuses femmes enceintes en état prédiabétique développent ensuite des formes manifestes de diabète. Le placenta produit d’une part la mélanostimuline (MSH), qui favorise la pigmentation cutanée en fin de grossesse, et d’autre part une sous-unité beta de gonadotrophine chorionique humaine (beta-HCG), une hormone trophique qui, comme les hormones folliculaires lutéinisantes et stimulantes, maintient le corps jaune et prévient ainsi une ovulation.

La glande hypophysaire se développe de près de 135% pendant la grossesse. Le taux de prolactine plasmatique maternelle décuple. Cette augmentation est associée à celle des thyréolibérines, stimulées par les oestrogènes. La fonction principale d’une augmentation de la prolactine consiste à assurer l’allaitement. Ces valeurs se normalisent en post-partum, même chez la femme qui allaite.

Sur le plan dermatologique : l’augmentation du taux d’œstrogène, de progestérone et de MSH contribue à des modifications pigmentaires dont on ignore la physiopathologie exacte. Ces changements comprennent le chloasma (masque de grossesse), sous la forme de taches de pigmentation brunes sur le front et les éminences malaires ; un assombrissement des aréoles mammaires, des aisselles et des organes génitaux ; et la linea nigra, une ligne médiane sombre qui apparaît dans le bas de l’abdomen. L’incidence des angiomes stellaires, en général uniquement au-dessus de la taille, ainsi que celle de scapillaires dilatés à paroi fines, en particulier au niveau des jambes, croissent également.

MEDICAMENTS ET GROSSESSE

Les médicaments les plus fréquemment utilisés sont les antiémétiques, les antiacides, les antihistaminiques, les antalgiques, les antimicrobiens, les tranquillisants, les hypnotiques, les diurétiques et les médicaments illicites et inoffensifs. Il existe 5 catégories de médicaments selon le risque induit par une prise pendant la grossesse.

TABLEAU – CLASSIFICATION DE L’USAGE DES MEDICAMENTS PENDANT LA GROSSESSE

CATEGORIE DESCRIPTION

A Des études effectuées chez l’homme montrent qu’il n’y a aucun risque fœtal ; ces médicaments sont les plus sûrs

B Des études sur les animaux indiquent l’absence de risque fœtal mais aucune étude n’a été menée sur l’homme ou bien des expérimentations sur les animaux montrent un risque pour le fœtus que ne confirment pas des études humaines bien contrôlées

C Aucune étude approfondie n’a été entreprise sur l’homme, ni sur l’animal, ou des effets adverses ont été observés chez le fœtus animal qu’on ne retrouve pas dans les expérimentations humaines

D Le risque sur le fœtus humain paraît évident, mais l’effet bénéfique semble l’emporter dans certaines situations (affections mettant la vie de la patiente en danger ou maladies graves pour lesquelles des médicaments appropriés ne peuvent pas être utilisés ou sont inefficaces)

X Le risque prouvé sur le fœtus surpasse tout effet bénéfique

Peu d’études approfondies ont été entreprises sur l’usage des médicaments chez la femme enceinte. La plupart des informations concernant la sécurité des médicaments pendant la grossesse sont tirées à partir d’expériences sur des animaux et des études non contrôlées dans l’espèce humaine (rapports de pharmacovigilance). Pendant la grossesse, la consommation médicamenteuse est souvent importante pour le traitement de certaines pathologies (pour la sélection, l’utilisation et les effets indésirables des médicaments spécifiques, voir ci-dessous).

MEDICAMENTS RECONNUS OU SUSPECTES TERATOGENES

Alcool

Aminoptérine

Androgènes

Carbamazépine

Coumarines

Danazol

Diethylstilbestrol

Etriénate

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine

Iode radioactif

Isotrétinoine

Lithium

Méthimazole

Méthotrexate

Phyénytoine

Tétracycline

Triméthadione

Valproate

Malgré les mises en garde concernant leurs effets négatifs, l’exposition aux différentes drogues, excepté l’alcool, n’est responsable que de 2-3% de toutes les malformations fœtales congénitales ; la plupart des malformations sont d’origine génétique, environnementale ou inconnue.

Les médicaments ne traversent pas tous la barrière placentaire pour atteindre le fœtus. Il y a ceux qui peuvent être directement toxiques ou avoir un effet tératogène (pour les effets connus ou suspectés voir ci-dessus). Il y a également ceux qui, n’ayant pas traversé le placenta, peuvent tout de même nuire au fœtus en entraînant une vasoconstriction des vaisseaux placentaires, affectant alors les échanges gazeux et nutritionnels ; ainsi se produit une hypertonie utérine sévère induisant une lésion par anoxie ; ou altérant la physiologie maternelle (et entraînant une hypotension).

Les médicaments diffusent à travers la barrière placentaire de la même manière qu’à travers d’autres barrières épithéliales (pharmacologie clinique, absorption). S’il y a passage de la barrière placentaire, la rapidité de ce processus dépend du poids moléculaire du médicament, de sa capacité à se fixer à d’autres substances (protéine porteuse), de ses zones d’échanges disponibles au travers des villosités et de la quantité de médicaments métabolisés par le placenta. La plupart des médicaments ayant un poids moléculaire <500 daltons traversent facilement la barrière placentaire et pénètrent dans la circulation fœtale. Les substances de poids moléculaire élevé (médicaments fixés aux protéines) ne traversent généralement pas le placenta, à l’exception des IgG, parfois utilisées pour traiter des pathologies telles que la thrombopénie allo-immune fœtale. Généralement l’équilibre entre le sang maternel et les tissus fœtaux s’effectue au bout de 40 minutes au moins.

Les effets d’un médicament sur le fœtus sont largement fonction de l’âge du fœtus durant l’exposition, de la pharmacodynamie et de la posologie du médicament. Les médicaments pris dans les 20 j qui suivent la fécondation peuvent avoir un effet selon la loi du « tout ou rien », tuant le fœtus ou ne le touchant pas du tout. A ce stade, il y a peu de risque tératogène. Celui-ci est plus probable lors de l’organogenèse (entre 14 et 56 j après la conception). Ainsi en atteignant l’embryon, le médicament peut entraîner une fausse couche, une grosse malformation anatomique subléthale (effet tératogène vrai) ou une embryopathie cachée (trouble métabolique permanent subtil ou perturbations fonctionnelles qui peuvent se manifester tardivement dans la vie), ou les médicaments peuvent n’avoir aucun effet détectable. Les médicaments administrés après l’organogenèse (pendant les deuxième et troisième trimestres) exercent rarement en effet tératogène, mais ils peuvent modifier le développement et les fonctions des tissus fœtaux normalement constitués.

Vaccins

La vaccination est aussi efficace chez la femme enceinte qu’en dehors de la grossesse. Le vaccin contre la grippe est recommandé chez toutes les femmes enceintes dans leur deuxième ou troisième trimestre pendant la saison de la grippe. Les autres vaccins doivent être réservés pour des situations où la femme et le fœtus sont exposés à de hauts risques d’infection et lorsque les risques d’effets indésirables du vaccin sont faibles. Les vaccinations contre le choléra, les hépatites A et B, la rougeole, les oreillons, la peste, la poliomyélite, la rage, le tétanos et la diphtérie, la thyphoide et la fièvre jaune peuvent être administrées pendant la grossesse si le risque d’infection est substantiel. Les vaccins à virus vivants ne doivent pas être administrés chez la femme enceinte ou qui est susceptible de l’être. Le vaccin contre la rubéole, constitué d’un virus vivant atténué, peut entraîner une infection placentaire et fœtale infraclinique. Cependant aucune des anomalies constatées chez le nouveau-né na été attribuée au vaccin contre la rubéole, et il ne faut pas conseiller à la femme vaccinée par mégarde en début de grossesse d’interrompre sa grossesse seulement du fait du risque théorique du vaccin. Le vaccin contre la varicelle est également constitué d’un virus qui peut potentiellement affecter le fœtus. Le risque est le plus élevé entre la 13è et la 22è semaine de grossesse. Ce vaccin est contre-indiqué lors d’une grossesse.

Vitamine A

La vitamine A n’a été associée à aucun risque tératogène pour une quantité normale à 5000 UI/j en période prénatale. Cependant une posologie de plus de 10 000 UI/j en début de grossesse peut augmenter le risque de malformations congénitales.

Drogues

La prise de tabac, d’alcool ou de cocaine pendant la grossesse peut entraîner de sérieux problèmes sur le fœtus et le nouveau-né. Bien que le principe actif de la marijuana traverse le placenta, une consommation occasionnelle de cette drogue ne semble pas augmenter les risques de malformations congénitales ni les troubles de croissance du fœtus ni les troubles du comportement postnataux. Beaucoup de femmes dont les enfants présentent des malformations cardiaques congénitales ont pris des amphétamines durant la grossesse, ceci suggère un éventuel effet tératogène.

On ne sait pas vraiment si une consommation élevée de caféine peut augmenter le risque de complications périnatales. Consommer de la caféine en quantité infime (1 tasse de café par jour) semble avoir peu ou aucune incidence sur le foetus, mais certaines données qui ne prennent pas en compte la consommation de tabac ni celle d’alcool évoquent qu’une grande consommation jusqu’à plus de 7 tasses de café par jour augmente le risque de mortalité fœtale in utero, d’accouchements prématurés, de petit poids à la naissance et de fausses couches spontanées. Les boissons décaféinées entraînent théoriquement peu de risques pour le fœtus.

Souvent, on remet en question l’utilisation de l’aspartame, sucre diététique, pendant la grossesse. La phénylalanine, métabolite principal de l’aspartame, s’accumule au niveau du fœtus par un mécanisme de transport placentaire actif ; des niveaux toxiques peuvent entraîner un retard mental. Néanmoins lorsque l’absorption ne dépasse pas les doses usuelles, les concentrations fœtales de phénylalanine sont très inférieures aux seuils toxiques. Ainsi une absorption modérée d’aspartame (pas plus d’1 l de soda light par jour) pendant la grossesse ne semble entraîner qu’un faible risque fœtal. Cependant chez la femme enceinte présentant une phénylcétonurie, l’ingestion de phénylalanine, et donc d’aspartame est interdite.

PRISE EN CHARGE DU TRAVAIL NORMAL

Le travail consiste en une série de contractions utérines rythmées, involontaires et progressives qui aboutissent à l’effacement (amincissement) et à la dilatation du col de l’utérus. On ignore le stimulus à l’origine du travail, mais une manipulation manuelle ou l’étirement du col utérin lors d’un examen augmente la contractilité utérine, du fait d’une stimulation de la libération d’ocytocines par la posthypophyse. Un travail débute généralement dans l’intervalle de 2 semaines avant ou après la date prévue de l’accouchement. Chez la primipare, le travail dure généralement au maximum 12-14 h ; par la suite, la durée est plus courte, en moyenne 6-8 h.

Stades du travail

Il y a 3 stades.

Le premier – du début du travail jusqu’à la dilatation complète du col (10 cm environ) – présente 2 phases : latente et active. Pendant la phase latente, les contractions irrégulières sont progressivement mieux coordonnées, la gêne est minime, le col s’efface et se dilate jusqu’à 4 cm. Cette phase est difficile à déterminer avec précision car la durée est variable, la moyenne étant de 8 h et demie chez la nullipare et de 5 h chez la multipare. La durée est considérée comme anormale lorsqu’elle dure plus de 20 h chez les nullipares ou plus de 12 h chez les multipares. Pendant la phase active, le col est complètement dilaté et la présentation descend dans le petit bassin. La phase active dure en moyenne 5-7 h chez les nullipares et 2-4 h chez les multipares. Le col doit se dilater de 1,2 cm/h chez les nullipares et de 1,5 cm chez les multipares. Des examens pelviens sont effectués toutes les 2-3 h pour évaluer la progression du travail. Une interruption de la dilatation associée à une descente de la présentation peut révéler une dystocie (disproportion foetopelvienne). Si les membranes ne se rompent pas de manière spontanée, on effectue généralement une amniotomie (rupture artificielle des membranes) pendant la phase active. Celle-ci induit un travail plus rapide, et un liquide amniotique teinté de méconium peut être détecté plus tôt. Une amniotomie peut être nécessaire à ce stade pour le monitoring du fœtus et confirmer que celui-ci se porte bien. La femme peut ressentir un besoin urgent de pousser quand la présentation descend dans le pelvis. Cependant il faut les inciter à ne pas pousser tant que le col n’est pas entièrement dilaté. Ainsi elles n’étirent pas le col et ne gaspillent pas leur énergie.

Le deuxième stade est compris entre la dilatation cervicale complète et l’expulsion du fœtus. Il dure en moyenne 2 h chez les nullipares (en moyenne 50 min) et 1 h chez les multipares (en moyenne 20 min). Cette durée peut se prolonger d’une heure voire plus si on utilise une anesthésie (épidurale) ou une forte dose d’opiacés. Pour déclencher l’accouchement, la parturiente doit associer aux contractions utérines des efforts expulsifs de poussées vers le bas.

La fréquence cardiaque et la PA maternelle ainsi que la fréquence cardiaque fœtale doivent être suivies par monitoring électronique continu ou par auscultation pendant le premier stade du travail. Pendant le deuxième stade, la femme doit être assistée en permanence, et les bruits du cœur fœtaux contrôlés de façon continue ou après chaque contraction. On peut surveiller les contractions utérines par la palpation ou par l’enregistrement électronique.

Le troisième stade du travail débute après l'expulsion du bébé et se termine avec la délivrance placentaire.

Avant l’admission

Des pertes hémorragiques (écoulement cervical d’une petite quantité de bouchon mucosanguinolent) peuvent précéder le déclenchement du travail de plus de 72 h. Le travail débute par des contractions irrégulières, d’intensité variable. Apparemment celles-ci assouplissent la structure du col, qui commence à s’effacer et se dilater. Au fur et à mesure que progresse le travail, les contractions augmentent en durée, en intensité et en fréquence.

Parfois, il y a rupture des membranes (sac amniotique et chorionique) avant le début du travail, et le liquide amniotique coule dans le col et le vagin. Si elle se produit à n’importe quel stade précédant le déclenchement du travail, cette rupture est appelée rupture prématurée des membranes (RPM). Certaines femmes présentant une RPM ressentent une irruption brutale de liquide dans le vagin, suivie par une fuite continue. Une confirmation supplémentaire n’est pas nécessaire si l’on observe à l’examen une fuite de liquide provenant du col. Une confirmation pour des cas plus ambigus nécessite alors des examens complémentaires. Par exemple, l’étude du pH des liquides vaginaux avec le test à la Nitrazine, papier qui vire vers une coloration bleu foncé à un pH>6,5 (pH du liquide amniotique : 7-7,6) ; des faux positifs peuvent se produire si les liquides vaginaux contiennent du sang. On peut prélever un échantillon des sécrétions du cul-de-sac de Douglas ou du col, le placer sur une lamelle, le sécher à l’air et l’examiner au microscope. Le résultat (cristallisation du NaCl présent dans le liquide amniotique) confirme généralement une rupture des membranes. Si la rupture reste non confirmée, une échographie montrant un oligohydramnios (liquide amniotique insuffisant) fournit une preuve évidente de rupture. Plus rarement, une amniocentèse avec instillation de colorant est effectuée pour la confirmer. La détection du colorant dans le vagin ou sur un tampon confirme la rupture.

Dès qu’une femme constate une rupture des membranes, elle doit immédiatement consulter son médecin. Près de 80% à 90% des patientes présentant une rupture des membranes à terme et près de 50% des femmes avec rupture prématurée des membranes entrent spontanément en travail dans les 24 h qui suivent ; 90% des patientes ayant présenté une rupture prématurée des membranes entrent en travail dans les 2 semaines qui suivent. Plus la rupture intervient précocement avant la 37è semaine, plus grand sera le délai entre cette rupture et le début du travail. Si la rupture des membranes s’effectue à terme sans déclencher le travail dans les heures qui suivent, on provoque le travail généralement pour réduire le risque d’infection maternelle et fœtale.

Options du lieu d’accouchement

La plupart des femmes préfèrent accoucher à l’hôpital, et la plupart des praticiens le recommandent, car des complications foeto-maternelles peuvent se produire inopinément au cours du travail et de l’accouchement ou dans le post-partum. Près de 30% des accouchements à l’hôpital présentent une complication obstétricale (dilacérations, hémorragies du post-partum). Un accouchement à risque peut être dû à un décollement placentaire (de façon prématurée), un état cardiofoetal douteux, une dystocie des épaules, la nécessité d’une césarienne en urgence, une dépression ou une anomalie néonatale ou une hémorragie maternelle du post-partum. Cependant nombre de femmes désirent accoucher dans un environnement plus rassurant. Pour cela, certains hôpitaux procurent des salles de naissance aménagées avec moins de formalités et de sérieuses dispositions, mais dotées d’un équipement de soins d’urgence et d’un personnel compétent. Les centres de naissance peuvent être indépendants ou situés à l’intérieur de l’hôpital. Dans l’un ou l’autre site, les soins sont similaires ou identiques. Dans certains hôpitaux, des sages-femmes diplômées assurent la majeure partie des soins de grossesses à faible risque. Les sages-femmes travaillent en relation avec un médecin qui disponible en permanence pour être consulté et pratiquer les accouchements difficiles (par forceps, extraction par vacuum extractor, ou césarienne). Toutes les options de l’accouchement doivent être discutées.

Nombre de femmes apprécient la présence du père ou de toute autre personne proche pendant le travail ; celle-ci est utile et doit être encouragée. Son support moral, ses encouragements et ses expressions de tendresse réduisent l’anxiété et rendent le processus du travail moins effrayant et déplaisant. Les cours de préparation à la naissance permettent de préparer la mère et le père à un travail et un accouchement normaux ou compliqués. Partager les émotions du travail, voir et entendre son enfant tendent à renforcer les liens entre les parents et entre les parents et l’enfant. Les parents doivent être bien informés de toutes les complications éventuelles.

Admission

On recommande généralement à la femme enceinte d’aller à l’hôpital si elle pense que ses membranes se sont rompues ou si les contractions durent au moins 30 s et se produisent régulièrement à des intervalles inférieurs à 6 min. Dans l’heure qui suit l’admission, on déduit qu’une femme entre en travail par la présence de contractions utérines douloureuses, régulières et soutenues, de perte de sang, de rupture des membranes et d’une dilatation complète du col. Si ces critères manquent, il peut s’agir d’un faux travail, et la femme enceinte est généralement mise sous surveillance un moment et, si le travail ne débute pas dans les heures qui suivent, pourra rentrer chez elle.

A l’admission, on prend sa PA, sa fréquence cardiorespiratoire, sa température, son poids corporel, et on note l’existence ou non d’un œdème. On effectue un prélèvement urinaire pour recherche de sucre ou albumine, ainsi qu’une prise de sang pour une NFS et un groupage sanguin. Un examen clinique est effectué. La palpation abdominale permet de faire une estimation de la taille, de la position et de la présentation du fœtus, en utilisant la manœuvre de Leopold (voir figures ci-dessous).

MANŒUVRE DE LEOPOLD

(A)Le fond utérin est palpé pour déterminer la partie du fœtus qui l’occupe.

(B)Chaque côté de l’abdomen maternel est palpé pour déterminer de quel côté est le rachis du fœtus, et de quel côté les membres.

(C)La région au-dessus de la symphyse pubienne est palpée pour localiser la présentation fœtale et ainsi déterminer jusqu’où le fœtus est descendu et si le fœtus est engagé.

(D)Une main exerce une pression sur le fundus tandis que l’index et le pouce de l’autre main palpent la présentation pour confirmer la présentation et l’engagement.

Le praticien note la présence des bruits du cœur et la fréquence cardiaque fœtale. On effectue également les premières estimations de la force, de la fréquence et de la durée des contractions. Un moyen mnémotechnique utile pour le bilan est les 3 P : puissances (force, fréquence et durée de la contraction), passage (mensurations pelviennes), et passager (taille, position, rythme cardiaque du fœtus).

Si le travail est en cours sur une grossesse à terme, la sage-femme ou le médecin effectue un toucher vaginal avec des gants à 2 doigts afin d’évaluer la progression du travail. S’il existe une hémorragie (et particulièrement si elle est importante), cet examen est retardé jusqu’à ce que la position fœtale soit confirmée par l’échographie. En cas d’hémorragie par placenta praevia, ce TV peut l’aggraver. Si le travail n’est pas actif mais que les membranes sont rompues, on réalise un examen au spéculum pour estimer la dilatation, l’effacement du col et la position fœtale (détermination de la présentation). Néanmoins le TV est retardé jusqu’à la phase active du travail ou la survenue de complications (diminution de la fréquence cardiaque fœtale). Si les membranes sont rompues, on doit prendre en compte la présence de méconium fœtal (substance de coloration brun-verdâtre), qui signifie une détresse fœtale. En cas de travail avant terme (moins de 37 SA) ou si le travail n’a pas débuté, seuls un examen au spéculum stérile et un prélèvement bactériologique à la recherche de gonocoques, de chlamydia et de streptocoques du groupe B doivent être effectués.

On note la dilatation du col en centimètres, ce qui correspond au diamètre du cercle cervical. La dilatation est considérée comme complète à 10 cm. L’effacement est exprimé en pourcentage, de zéro (pas d’effacement) à 100% (effacement total du col). On peut déterminer le raccourcissement cervical en centimètres en se référant à sa taille normale de 3,5-4 cm. L’engagement est déterminé en centimètres au-dessus ou en dessous du niveau des épines sciatiques. Le niveau des épines sciatiques représente le niveau 0 ; au-dessus (+) ou en dessous (-) des épines, les niveaux sont notés centimètre par centimètre. Il en est de même de la taille, de la position ou de la présentation fœtales. La taille décrit la relation entre l’axe longitudinal du fœtus et celui de la mère (longitudinal, oblique, transversal) ; la présentation correspond à la partie du fœtus qui se présente à l’ouverture cervicale (siège, vertex, épaule). La position décrit la relation entre le pôle inférieur fœtal et le pelvis (par exemple occipito-iliaque gauche antérieure OIAG ou sacro-iliaque droit postérieure SIPD).

Préparation à l’accouchement

La femme sera installée en salle de travail pour être surveillée jusqu’à l’accouchement. Si le travail est actif, il faut éviter de lui administrer quoi que ce soit par voie orale afin d’éviter les vomissements et les inhalations pendant l’accouchement ou si une anesthésie générale en urgence est indiquée. On pose une perfusion de Ringer lactate avec un cathéter de gros calibre dans une veine de la main ou de l’avant-bras. Pendant un travail normal d’une durée de 6-10 h, une femme doit recevoir 500-1000 ml de cette solution. La perfusion pendant le travail permet d’éviter la déshydratation et l’hémoconcentration qui en résultent, en fournissant un volume plasmatique circulant adéquat. Le cathéter sert à véhiculer des médicaments ou du sang si besoin. Un remplissage liquidien préalable est également utile si une analgésie péridurale s’impose.

Analgésie

Les antalgiques peuvent être administrés, autant que nécessaire, pendant le travail, mais ils doivent être administrés en faible quantité, car ils traversent la barrière placentaire et peuvent induire une dépression respiratoire chez le nouveau-né. Une intoxication néonatale peut se produire, car une fois le cordon ombilical coupé, le nouveau-né, dont les fonctions métaboliques et excrétoires sont immatures, élimine les médicaments transférés beaucoup plus lentement, par métabolisme hépatique ou par excrétion urinaire. Préparations et informations sur la naissance de l’enfant permettent de réduire l’anxiété et d’avoir moins de recours aux antalgiques.

Les médecins proposent de plus en plus la rachianesthésie (fournissant une anesthésie locale) comme l’analgésique de premier choix pour le travail. En règle générale, on associe en perfusion continue un anesthésique local (par ex. 0,2% de ropivacaine et 0,125% de bupivacaine) à un opiacé (par ex. fentanyl, sufentanil) dans l’espace épidural lombaire. Dans un premier temps, l’anesthésique est administré avec prudence afin d’éviter de masquer la pression qui incite la parturiente à pousser et d’éviter le blocage moteur, ces deux effets pouvant ralentir le travail.

Si la rachianesthésie est insuffisante ou lorsqu’on préfère la voie IV, on utilise fréquemment la mépéridine (jusqu’à 25 mg) ou le sulfate de morphine (jusqu’à 5 mg) en IV toutes les 60-90 min. Les deux opiacés sont de bons analgésiques à toutes petites doses. En cas d’intoxication, on peut administrer de la naloxone 0,01 mg/kg par voie IM, IV, ou en SC au nouveau-né comme antagoniste spécifique. L’administration de naloxone peut être répétée après 1-2 min autant que nécessaire en fonction de la réponse du nouveau-né ; une dose supplémentaire peut être nécessaire après 1-2 h. Les médicaments « synergiques » (prométhazine), qui ont des effets plus additifs que synergiques, sont souvent utilisés, parce qu’ils diminuent les nausées induites par les opiacés. Ils sont utilisés en faibles doses, parce qu’il n’existe pas d’antidote en cas de surdosage ou de problèmes. Ainsi, si on veut augmenter l’analgésie, on préfère la mépéridine ou la morphine sans médicaments synergiques, sinon il faut envisager une autre méthode analgésique.

SUIVI DU FŒTUS

PRISE EN CHARGE DE L’ACCOUCHEMENT NORMAL

De nombreuses unités obstétricales n’utilisent qu’une seule salle de travail, l’accouchement, la récupération et le post-partum, pour que la mère, les personnes qui l’accompagnent et le nouveau-né restent dans la même pièce tout au long de l’hospitalisation. D’autres centres utilisent une salle de travail traditionnelle et une salle d’accouchement séparée, dans laquelle la femme est transférée quand l’accouchement est imminent. Le père ou toute autre personne proche peut être autorisé à l’accompagner. En salle d’accouchement, le périnée est nettoyé et recouvert d’un champ stérile et on procède à l’accouchement du nouveau-né. Après l’accouchement, la patiente peut soit rester dans la salle d’accouchement, soit être transférée dans une unité de post-partum.

Anesthésie

Les options sont l’anesthésie locale, le blocage du nerf honteux interne et des nerfs du périnée, l’infiltration périnéale ou l’anesthésie générale. Les anesthésiques locaux et les opiacés sont fréquemment utilisés. Ces médicaments traversent le placenta ; ainsi pendant l’heure précédant l’accouchement, de tels médicaments doivent être administrés en petite dose pour éviter une intoxication (dépression du SNC et bradycardie) du nouveau-né. Utilisés seuls, les opiacés n’assurent pas une analgésie adéquate et sont donc, en règle générale, associés à des anesthésiques.

L’anesthésie locale consiste généralement en une rachianesthésie lombaire avec un anesthésique local. La rachianesthésie est de plus en plus utilisée pour les accouchements, dont les césariennes, et a essentiellement remplacé le blocage du nerf honteux interne et des nerfs du périnée ou le blocage paracervical. Les anesthésiques locaux les plus utilisés pour les rachianesthésies (bupivacaine) ont une durée d’action et un délai d’apparition des effets plus élevés que ceux utilisés pour le blocage du nerf honteux (lidocaine). Les autres formes d’anesthésie locale comprennent l’injection caudale (dans le canal sacré), qui est rarement utilisée, et l’injection spinale (dans l’espace sous-arachnoidien paravertébral). L’injection spinale peut être utilisée pour les césariennes mais est moins adoptée pour les accouchements par voie basse, car son action est de courte durée (empêchant son utilisation pendant le travail) et elle peut entraîner de faibles risques de céphalées secondaires. Lorsque l’on utilise une injection spinale, le patient doit être constamment surveillé, et les signes vitaux doivent être contrôlés toutes les 5 minutes afin de détecter et traiter une éventuelle hypotension.

L'anesthésie du nerf honteux, peu utilisée du fait du recours répandu à la péridurale, consiste en l’injection d’un anesthésique local dans la paroi vaginale ; ainsi le nerf honteux est inondé d’anesthésique à l’endroit où il croise le rachis sciatique. Ce blocage anesthésique de la partie inférieure du vagin, le périnée et la partie postérieure de la vulve ; la partie antérieure de la vulve, innervée par les ramifications lombaires, n’est pas anesthésiée. Le blocage du nerf honteux est une méthode sûre et simple pour les accouchements vaginaux spontanés sans complications si la femme désire accoucher et pousser ou si le travail est trop avancé et qu’on ne dispose plus de temps pour une rachianesthésie.

Les infiltrations du périnée par un anesthésique sont souvent utilisées, bien que cette méthode ne soit pas aussi efficace qu’une anesthésie du nerf honteux bien conduite.

L'anesthésie paracervicale est peu indiquée pour les accouchements du fait d’une incidence de bradycardie fœtale supérieure à 15%. Elle est surtout utilisée dans le cas d’avortements au premier trimestre ou au début du deuxième trimestre. La technique consiste en l’injection de 5-10 ml de lidocaine à 1% en position 3 h et 9 h ; la réponse à l’analgésique est de courte durée.

L’anesthésie générale utilisant des produits à inhaler puissants et volatils (isoflurane) peut entraîner une dépression respiratoire marquée chez la mère et le fœtus. Elle n’est donc pas recommandée pour les accouchements courants. Exceptionnellement, l’analgésie par mélange oxygène-protoxyde d’azote à 40% peut être utilisée pendant l’accouchement vaginal tant que l’on maintient un contact oral avec la patiente. Le thiopental, un hypnotique, est fréquemment administré en IV avec d’autres médicaments (succinylcholine, protoxyde d’azote associé à de l’O2) dans le cas d’anesthésie générale pour césarienne ; utilisé seul le thiopental fournit une analgésie inadéquate. Avec le thiopental, l’induction est rapide et le rétablissement prompt. Il est concentré dans le foie du fœtus, évitant ainsi les taux élevés dans le SNC, lesquels peuvent entraîner une dépression néonatale. Le diazépam est parfois utilisé ; toutefois, une grande quantité administrée en IV chez la femme enceinte avant l’accouchement peut entraîner une hypotonie, une hypothermie, un score d’Apgar bas, une réponse métabolique inadaptée au froid et une dépression neurologique chez le nouveau-né. Un intérêt accru pour la préparation à l’accouchement a permis de réduire l’utilisation de ces médicaments, qui restent plutôt réservés au recours au forceps, aux présentations du siège, en cas de jumeaux ou de césariennes.

Procédure de l’accouchement normal

Le TV explore la position et la hauteur de la tête du fœtus. Lorsque l’effacement est complet et le col entièrement dilaté, la femme est informée qu’elle doit pousser vers le bas durant chaque contraction afin de favoriser la progression de la tête dans le pelvis et de dilater progressivement l’orifice vaginal, permettant à la tête d’apparaître. Dès qu’une partie de la tête (3-4 cm) est visible pendant une contraction chez une nullipare (un peu plus tôt chez la multipare), les manœuvres suivantes peuvent favoriser l’accouchement et réduire le risque de déchirure périnéale. Si le clinicien est droitier, il place sa paume gauche sur la tête du bébé pendant une contraction afin de contrôler et, si nécessaire, de ralentir légèrement le processus. Simultanément, le clinicien place les doigts incurvés de sa main droite contre le périnée en dilatation, au travers duquel le front ou le menton du bébé peuvent être sentis. Le médecin peut, pour avancer la tête, se bander une main dans une serviette et, les doigts incurvés, exercer une pression contre le dessous du front et du menton (manœuvre de Rigten modifiée). Le médecin contrôle la progression de la tête pour permettre un accouchement lent et surveillé.

On utilise souvent des forceps ou un vacuum extractor pour les accouchements vaginaux lorsque la deuxième période de travail est susceptible d’être prolongée (par exemple car la mère est trop fatiguée pour pousser de manière adéquate). Les forceps peuvent être nécessaires lorsque l’anesthésie péridurale empêche des efforts intenses de poussée vers le bas. L’anesthésie locale n’affecte pas les efforts de l’accouchement. Ainsi les forceps ou les vacuum extractor ne sont en règle générale pas nécessaires, à moins d’une complication. Les indications des forceps et des extracteurs sont pratiquement les mêmes.

L’épisiotomie n’est pas pratiquée de façon systématique et n’est effectuée que si le périnée ne se dilate pas de façon adéquate et gêne l’accouchement, en principe lors du premier accouchement à terme. Un anesthésique local peut être utilisé si la péridurale est insuffisante. L’épisiotomie permet d’éviter un étirement excessif et diminue le risque de déchirure des tissus périnéaux, y compris les déchirures antérieures. Une incision est plus facile à réparer qu’une déchirure. Le plus souvent, on effectue une incision médiane allant du milieu de la fourchette postérieure vers le rectum en arrière. L’extension vers le sphincter du rectum ou vers le rectum même est un risque, mais si elle est reconnue à temps, elle peut être réparée efficacement et cicatrise bien. Les déchirures et les extensions rectales peuvent être généralement prévenues en maintenant la tête du nourrisson bien fléchie jusqu’à ce que la bosse occipitale passe sous l’arcade sous-pubienne. L’épisioproctotomie (incision intentionnelle du rectum) n’est pas recommandée, car on risque une fistule recto-vaginale. Dans un autre type d’épisiotomie, une incision médiolatérale est effectuée du milieu de la fourchette postérieure vers un côté ou l’autre suivant un angle de 45°. Ce type d’épisiotomie ne s’étend généralement pas jusqu’au sphincter ni au rectum, mais les douleurs postopératoires sont plus importantes et les délais de guérison plus longs que dans le cas d’une épisiotomie médiane.

Ainsi, on préfère l’épisiotomie médiane. Cependant, la pratique de l’épisiotomie est de moins en moins courante, car l’extension ou les lésions vers le sphincter ou le rectum sont une source de préoccupation.

Après la sortie de la tête, le corps du bébé tourne et les épaules se placent dans une position antéro-postérieure. Une pression douce sur la tête, vers le bas, permet de libérer l’épaule antérieure sous la symphyse. Si le cordon entoure étroitement le cou, il peut être clampé et sectionné. La tête est soulevée doucement, l’épaule postérieure glisse sur le périnée, et le reste du corps suit sans difficulté. Le nez, la bouche et le pharynx sont aspirés avec une seringue pour réduire le mucus et les liquides et permettre les premières respirations. Le cordon ombilical doit être doublement clampé et coupé entre les 2 clamps, et un clamp en matière plastique doit être appliqué. Si l’on suspecte un danger pour le fœtus ou le nouveau-né, un segment de cordon ombilical est doublement clampé pour effectuer une analyse des gaz du sang artériel. Un pH artériel supérieur à 7,15-7,20 est considéré comme normal. Le nourrisson est ensuite placé dans une couveuse chauffée ou sur l’abdomen de la mère.

Après l’expulsion, le médecin place une main doucement sur l’abdomen, au-dessus du fond utérin, pour sentir les contractions. Le décollement du placenta se produit généralement pendant la première et la deuxième contraction, souvent associé à une hémorragie. La mère peut généralement favoriser la sortie du placenta en poussant. Si elle ne peut pas, et si une hémorragie substantielle se produit, le placenta peut être évacué (exprimé) en plaçant une main sur l’abdomen et en exerçant une pression ferme vers le bas sur l’utérus. Ce n’est effectué que si l’utérus est ferme, car la pression exercée sur un utérus mou peut entraîner une torsion. En cas d’échec, le cordon ombilical doit être maintenu tendu tandis qu’une main placée sur l’abdomen pousse vers le haut sur l’utérus ferme, à distance du placenta. Une traction du cordon ombilical doit être évitée afin d’éviter une torsion utérine. Si le placenta n’a pas été expulsé dans les 45-60 min de la délivrance, une extraction manuelle peut être nécessaire. Le médecin introduit une main entière dans la cavité utérine pour décoller le placenta de son insertion et ensuite l’extraire. Dans de tels cas, il faut s’attendre à un placenta anormalement adhérent (placenta accreta).

L’intégrité du placenta doit être contrôlée, car la rétention de quelques fragments placentaires dans l’utérus peut, plus tard, entraîner des hémorragies. Si le placenta est incomplet, la cavité utérine doit être explorée à la main. Quelques obstétriciens explorent systématiquement à la main la cavité utérine. Néanmoins l’exploration n’est pas très plaisante et n’est pas conseillée en routine. Un ocytocique doit être administré (ocytocine 10 UI IM ou, en perfusion IV 20 U/1000 ml de sérum physiologique à 125 ml/h) tout de suite après l’expulsion du placenta afin de renforcer les contractions utérines. L’ocytocine ne doit pas être administrée en une seule dose IV massive, qui risque de déclencher un trouble du rythme cardiaque.

On examine le col et le vagin à la recherche de lacérations, qui, si présentes, sont recousues, comme toute épisiotomie. Puis, si la mère et le bébé se remettent normalement, un lien peut commencer à s’établir. De nombreuses mères expriment le souhait de donner le sein tout de suite après l’accouchement, et cela doit être encouragé. Mère, père et bébé doivent pouvoir rester ensemble dans une pièce isolée et chaude durant durant au moins une heure pour favoriser la création du lien parent-enfant. Le bébé est ensuite transféré à la pouponnière ou laissé à sa mère selon son désir. Pendant la première heure suivant l’accouchement, la mère doit être observée étroitement afin de s’assurer que l’utérus se contracte (détecté par palpation pendant un examen abdominal) et pour contrôler hémorragies, anomalies de la PA et état général. Le temps compris entre l’expulsion du placenta et la 4è h du post-partum est dénommé 4è période du travail. La plupart des complications, en particulier les hémorragies (voir anomalies et complications du travail et de l’accouchement), se produisent à ce moment-là, et une surveillance fréquente est indispensable.

 

Publié dans OBSTETRIQUE

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