Violences sexuelles

Publié le par SanteFemme

EXAMEN MEDICAL D’UNE VICTIME D’UN VIOL

Bien que les définitions légales et médicales varient, le viol est généralement défini comme une forme de pénétration orale, anale ou vaginale pratiquée sous la menace ou de force sur une personne non consentante. Une agression sexuelle est un viol ou tout autre contact sexuel sous la contrainte, y compris les cas d’enfants auxquels on propose de l’affection ou des cadeaux en contrepartie ; celle-ci comprend les attouchements, les empoignements, les baisers forcés ou l’exhibitionnisme. Le viol et l’agression sexuelle, y compris sur les enfants, sont fréquents ; les estimations de la prévalence sur une vie pour chacun des deux varient entre 2 et 30 % mais la tendance est à près de 15-20 %.

Typiquement, le viol est une expression de sentiment agressifs, de colère ou d’un besoin de puissance ; la violence est plus forte psychologiquement que l’acte sexuel. On observe des lésions physiques dans environ 50 % des viols sur des femmes.

Les femmes sont violées et sexuellement agressées plus souvent que les hommes. Le viol sur homme est souvent commis par d’autres hommes et survient souvent en prison. L’homme victime de viol est plus susceptible de subir des lésions physiques que la femme et de ne pas vouloir signaler les faits ; il advient souvent que de multiples agresseurs soient impliqués.

Symptomatologie

Le viol peut induire des lésions extragénitales ou génitales, des symptômes psychologiques, des maladies sexuellement transmissibles (par exemple hépatite, syphilis, gonococcie, cas d’infection chlamydienne, trichomonas et rarement des cas d’infections par le VIH; occasionnellement, des grossesses peuvent se produire. La plupart des lésions physiques sont relativement mineures, mais certaines lacérations de la partie supérieure du vagin sont graves. Il advient que des lésions supplémentaires soient observées lorsque la victime est frappée, poignardée ou fait l’objet d’un tir d’arme à feu.

Globalement les symptômes psychologiques du viol sont potentiellement au premier plan. A court terme, la plupart des victimes souffrent de peurs, de cauchemars, de troubles du sommeil et/ou de honte et peuvent devenir irascibles. Immédiatement après un viol, la victime peut être atteinte de logorrhée, de tension, de pleurs et de tremblements consécutivement à l’état de choc et d’incrédulité sur ce qu’elle vient de subir ; elle peut être impassible, immobile et souriante. Ces dernières attitudes indiquent rarement un désintérêt de la patiente ; elles reflètent plutôt des réactions d’évitement, un épuisement physique ou un mécanisme de surveillance des émotions. La colère peut être reportée sur le personnel hospitalier.

Les amis, les membres de la famille et les responsables réagissent souvent en jugeant, en tournant les faits en dérision ou de toute autre façon négative. De telles réactions peuvent retarder le rétablissement.

Finalement, la plupart des victimes se rétablissent ; cependant, les séquelles à long terme d’un viol peuvent comprendre un état de stress post-traumatique (ESPT-voir p. 1978), notamment chez la femme. L’ESPT est un trouble anxieux ; les symptômes peuvent être un retour sur l’agression (par exemple flash back, pensées ou images intrusives douloureuses), le refoulement (par exemple pensées et des sentiments traumatiques), une hyperexcitabilité (par exemple troubles du sommeil, irritabilité, difficultés de concentration).Les symptômes durent plus d’un mois et altèrent de manière importante la vie sociale et professionnelle.

Bilan

Lorsque la victime demande conseil avant le bilan médical, il lui est demandé de ne pas jeter ses vêtements ou de ne pas se changer, de ne pas se laver, de ne pas prendre de douche, de ne pas se laver les parties intimes, de ne pas se brosser les dents ou de ne pas faire de bain de bouche ; car cela pourrait détruire les preuves et indices.

Chaque fois que cela est possible, toutes les personnes sujettes de viols sont adressées à des centres sociaux locaux, souvent localisés dans des services d’urgence hospitaliers ; de tels centres sont tenus par du personnel spécialement formé (par exemple « sexual assault nurse examiners » (SANE) – voir www.sane-sart.com). Les bénéfices d’un bilan après un viol sont expliqués à la victime, mais celle-ci est libre d’accepter comme de refuser cet examen. La police est informée si le patient l’accepte. La plupart des victimes sont très traumatisées et leur prise en charge exige de la sensibilité, de l’empathie et de la compassion. Les femmes peuvent se sentir plus à l’aise avec un médecin de sexe féminin ; un membre du personnel de sexe féminin doit accompagner tous les hommes examinant les femmes. Il faut prévoir intimité et tranquillité pour la victime chaque fois que cela est possible.

Les objectifs du bilan médical après un viol ont une finalité médicale (évaluation et traitement des blessures ; diagnostic, traitement, prévention des grossesses et des MST), le prélèvement de preuves médico-légales et un bilan de soutien psychologique. Un formulaire (parfois intégré dans un  kit pour viols) est rempli afin de consigner les preuves légales et les résultats médicaux (éléments caractéristiques d’un formulaire, cf. Tab 252-1) ; ils doivent être adaptés à la législation locale. Il est possible que le dossier médical soit utilisé lors du jugement. Les résultats doivent donc être écrits de manière lisible et dans un vocabulaire non technique qui puisse être compris par les magistrats.

Antécédents et examen : avant le début de l’examen, il est souhaitable de demander la permission de la victime. Relater les événements effraie ou embarrasse souvent la victime. Il faut donc se montrer rassurant, empathique et sans apriori, sans presser la victime. L’intimité doit être respectée. L’examinateur aborde certains détails spécifiques, dont le type de douleurs ressenties (en particulier dans la bouche, les seins, le vagin et le rectum) ; si le patient ou l’agresseur a saigné ou s’est égratigné (afin d’évaluer les risques de transmission du virus VIH et de l’hépatite) ; les orifices pénétrés et si l’éjaculation est survenue ou si un préservatif a été utilisé ; le type d’agression, les menaces, armes et actes violents ; la description de l’agresseur. De nombreux formulaires de viols comprennent la totalité ou la plupart de ces questions (voir Tab 252-1). Le patient doit être informé sur la finalité de ces questions (par exemple les informations sur l’utilisation de contraceptifs permettent de déterminer le risque de grossesse après un viol ; les informations sur les coïts précédents permettent de déterminer la validité des analyses de sperme).

L’examen doit être expliqué étape par étape durant son déroulement. Les résultats doivent être inventoriés avec le patient. Lorsque cela est possible, des photos des blessures éventuelles sont prises. La bouche, les seins, les organes génitaux et le rectum sont examinés minutieusement. Petites lèvres et vagin postérieur sont les zones les plus fréquemment atteintes. Un examen à la lampe de Wood peut mettre à jour du sperme sur la peau. La colposcopie est particulièrement utile pour les blessures discrètes des organes génitaux. Certains colposcopes sont équipés d’une camera, rendant la détection et la photographie des blessures possibles simultanément.

Examens de laboratoire et prélèvements des preuves : les tests de routine comprennent un test de grossesse et des tests sérologiques pour la syphilis, l’hépatite B et le VIH ; s’ils sont effectués à quelques heures du viol, ces tests peuvent procurer des informations sur les grossesse ou les infections existant avant le viol mais pas sur celles résultant du viol. On vérifie les leucorrhées pour exclure tout risque de vaginite trichomonale et de vaginite bactérienne, et des échantillons de chaque orifice pénétré (vaginal, oral ou rectal) sont prélevés pour des examens gonococciques et chlamydiaux. Si la victime ne se souvient plus des événements ayant suivi ou précédé le viol, un dépistage du flunitrazépam (« drogue du violeur ») et du gammahydroxybutyrate doit être envisagé. Des tests de suivi sont effectués après 6 semaines pour la gonococcie, les infections chlamydiennes, les infections au papillomavirus humain (initialement en utilisant un échantillon cervical prélevé lors du test de Papanicolaou), la syphilis et l’hépatite ; après 90 jours pour l’infection au VIH ; après 6 mois pour la syphilis, l’hépatite et l’infection au VIH. Si le vagin a été pénétré et que le test de grossesse est négatif à la première consultation, le test est répété dans les deux semaines qui suivent. Une victime avec des lésions de la partie supérieure du vagin, surtout chez la petite fille, peut nécessiter une laparoscopie pour établir la profondeur des blessures.

Tout élément pouvant servir de preuve de viol est prélevé ; cela comprend généralement les vêtements ; les frottis de la muqueuse buccale, vaginale et rectale ; des échantillons de cheveux et de poils pubiens, ainsi que des échantillons témoins (pris sur la victime) ; des résidus d’ongles coupés et les curetages ; des échantillons de sang et de salive ; si disponible, le sperme (voir Tab. 252-1). De nombreux kits de prélèvement de preuves sont disponibles sur le marché. Les preuves sont souvent absentes ou non concluantes après que la victime se soit douchée, changée ou lavée et après un certain laps de temps, supérieur à 36 heures tout particulièrement ; cependant des preuves peuvent être prélevées jusqu’à 5 jours après le viol. Des tours de garde, durant lesquels les preuves sont en possession de personnes identifiées, doivent être établis. Ainsi, les preuves sont placées dans des emballages individuels, qui sont marqués, datés, scellés et conservés jusqu’à ce qu’ils soient transférés à d’autres personnes (en général autorités judiciaires ou laborantins), qui signent un reçu. On prélève des échantillons d’ADN afin d’identifier l’agresseur.

Traitement

Après le bilan, la victime peut se laver, se changer, faire un bain de bouche et uriner ou déféquer si nécessaire. Une cellule de crise peut orienter le patient vers les services médicaux, psychologiques et judiciaires idoines.

La plupart des blessures sont mineures et sont traitées de manière conservatrice (voir ailleurs dans le manuel). Des déchirures vaginales peuvent nécessiter une réparation chirurgicale.

Parfois, les examinateurs adoptent des mesures relevant du bon sens (par exemple soutien psychologique, soutien général, attitude impartiale) afin de soulager les forts sentiments de culpabilité ou d’anxiété. Les effets psychologiques et sociaux éventuels sont expliqués à la victime, qui est dirigé vers un spécialiste des situations suite aux viols. Le retentissement psychologique ne peut pas toujours être mesuré dans son intégralité au premier examen clinique, des visites de suivi doivent être programmées toutes les 2 semaines. Les effets psychologiques graves (par exemple flashbacks persistants, troubles importants du sommeil, peur entraînant un repliement sur soi important) ou les effets psychologiques toujours présents aux visites de suivi justifient un suivi psychiatrique ou psychologique. Les membres de la famille et les amis peuvent fournir un soutien vital, mais ils peuvent avoir besoin de l’aide de spécialistes afin de maitriser leurs propres réactions négatives. L’ESPT peut être traité efficacement psycho-socialement et pharmacologiquement (voir p 1678)

La prévention conseillée en matière de MST est l’administration de ceftriaxone, 250 mg IM en dose unique (pour la gonorrhée), de métronidazole, 2 g PO en dose unique (pour la trichomonase et la vaginite bactérienne), et soit une prise de doxycycline, 100 mg PO 2 fois/jour pendant 7 jours, soit une prise d’azithromycine, 1 g PO (pour les infections chlamydiennes). Alternativement, l’azithromycine 2 g PO peut être administrée (couvrant la gonococcie et les infections chlamydiennes) avec du métronidazole 2 g PO, tous deux en doses uniques.

Le traitement prophylactique empirique de l’hépatite B et du VIH après un viol est controversé. Dans le cas de l’hépatite B, le Centre de contrôle des maladies (CDC) recommande une vaccination à moins que la victime ait déjà été vaccinée et ait tous les documents à sa disposition. Le vaccin est répété 1 et 6 mois après l’injection de la première dose. L’immunoglobuline de l’hépatite B (GIHB) n’est pas administrée. Dans le cas du VIH, la plupart des experts recommandent la prophylaxie ; cependant, la victime doit être avertie que le risque après viol par agresseur inconnu n’atteint que près de 0,2 % (risque plus élevé s’il y a des hémorragies). Le traitement est au maximum de son efficacité lorsqu’il est initié < 4 h après la pénétration et ne doit pas être administré après > 72 h. Le plus souvent, une posologie fixe combinée de 300 mg de zidovudine (ZDV) et de 150 mg de lamivudine (3TC) est administrée 2 fois / jour pendant 4 semaines. Si le risque est plus élevé (par exemple en cas d’hémorragie ou si l’agresseur est à haut risque), un inhibiteur protéasique est ajouté (voir p. 1639).

Bien que les grossesses par viol soient rares (excepté quelques jours avant l’ovulation), la contraception d’urgence (voir p. 2136) doit être préconisée à toutes les femmes ayant un test de grossesse négatif. En règle générale, on utilise des contraceptifs oraux ; si administrés > 72 heures après le viol, ceux-ci ont beaucoup moins de chances d’être efficaces. Un antiémétique peut être administré en cas de nausées. Un stérilet peut être efficace lorsqu’utilisé jusqu’à 10 j après un viol. Si la grossesse résulte d’un viol, la position de la victime concernant la grossesse et l’avortement doit être évaluée et en cas de nécessité, l’interruption de la grossesse doit être discutée.    

TAB. 252-1. EXAMEN TYPE EN CAS DE PRESOMPTION DE VIOL

CATEGORIE

– DETAILS

Informations générales

-       Informations démographiques

-       Nom, adresse, et numéro de téléphone du tuteur, si le patient est mineur

-       Nom de l’officie de police, numéro d’insigne et de service

-       Date, heure, et lieu de l’examen

Antécédents

-       Circonstances de l’agression, comprenant la date, l’heure, le lieu (familier au patient ?), les informations sur les agresseurs (nombre, nom si connu), description, arme, type de contact sexuel (vaginal, oral, rectal ; utilisation de préservatif ?), types de blessure extragénitales subies, présence d’un saignement (que ce soit du patient ou de l’agresseur), y a-t-il eu éjaculation de l’agresseur, et à quel endroit

-       Activités du patient après l’agression (par exemple douche vaginale, bain, miction, défécation, changements de vêtements, utilisation de dentifrice, collutoires, ou médicaments)

-       Date des dernières règles

-       Date et heure du dernier rapport sexuel éventuel, si récent

-       Antécédents contraceptifs (par exemple contraceptifs oraux, stérilet)

Examen clinique

-       Traumatisme général (extragénital) sur toutes zones

-       Traumatisme génital du périnée, de l’hymen, de la vulve, du vagin, du col utérin et de l’anus

-       Présence de matière étrangère sur le corps (par exemple tâches, poils, saletés, brindilles)

-       Examen à la lampe de Wood ou colposcopie si disponible

Prélèvement d’échantillons

-       Etat des vêtements (par exemple abîmés, tâchés, matières étrangères collées)

-       Petits échantillons de vêtements, dont un échantillon non tâché, donnés à la police ou au laboratoire

-       Echantillons de poils, y compris les cheveux collés sur le patient ou ses vêtements, poils pubiens porteurs de sperme, et prélèvement de poils pubiens de la victime – au moins 10 (pour la comparaison) du cuir chevelu et poils pubiens

-       Prélèvement de sperme sur le col de l’utérus, le vagin, le rectum, la bouche et les cuisses

-       Echantillon de sang du patient

-       Echantillons de sang séché de l’agresseur prélevés sur le corps et les vêtements du patient

-       Urine

-       Salive

-       Frottis de muqueuse buccale

-       Rognures et fragments d’ongles

-       D’autres échantillons, selon les données de l’interrogatoire ou l’examen clinique

Examens de laboratoire

-       Phosphatases acides pour détecter la présence de sperme (*)

-       Examen des sécrétions vaginales en solution physiologique + (pour la mobilité des spermatozoïdes)

-       Analyse de la morphologie du sperme et de la présence de caractères des groupes sanguins A, B, O ++

-       Dépistage sérologique de la syphilis chez le patient

-       Dépistage des maladies sexuellement transmissibles chez le patient

-       Détermination du groupe sanguin (en utilisant le sang du patient et des échantillons de sang séché de l’agresseur)

-       Tests urinaires, dont recherche de drogues $ et test de grossesse

-       Autres examens de laboratoire, comme indiqué par l’interrogatoire ou l’examen clinique

Traitement, références, commentaire clinique du médecin

-       A indiquer

Témoin de l’examen

-       Signature

Dépositions

-       Nom de la personne qui a fait sa déposition et de celle qui l’a reçue

-       Date et heure de la délivrance et du reçu.    

(*) Particulièrement utile si l’agresseur a eu une vasectomie, est oligospermique, ou a utilisé un préservatif, qui peut entraîner l’absence de sperme. Si le test ne peut être effectué immédiatement, un prélèvement doit être placé dans un congélateur.

+ Doivent être réalisés par le médecin qui effectue l’examen si l’examen est effectué dans les temps pour détecter la mobilité des spermatozoïdes.

++ Dans 80 % des cas, les déterminants du groupe sanguin sont retrouvés dans le sperme.

$ De nombreux auteurs recommandent de ne pas inclure de commentaire ou de tests concernant la présence d’alcool ou de drogue.        

Publié dans GYNECOLOGIE

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